Une étoile d’or.

Ferme les yeux et imagine.
Imagine-la, cette petite étoile d’or, perchée dans le ciel, qui contemple la Terre en se demandant quelle magie avait créé les hommes.
Imagine-le, ce petit lutin, assis sur sa banquise, qui observe le ciel, émerveillé, en se demandant quelle magie avait créé les étoiles.
Ferme les yeux, ouvre les oreilles, je vais te conter leur histoire.

Cette nuit-là, la petite étoile d’or se laissa bercer un peu plus que d’habitude par la vision paisible de la planète bleue.
Elle s’assoupit un instant, dix secondes, pas plus, mais cela suffit à provoquer la catastrophe.
Elle se décrocha de la voûte céleste et tomba vers la Terre.

Le lutin des papiers-cadeaux attendait son heure.
Assis sur la banquise, tête levée vers le ciel nocturne, il savait que le père Noël ferait bientôt appel à lui pour emballer tous les jouets fraîchement fabriqués.
L’atelier, depuis quelques jours, ressemblait à une fourmilière, grouillant de lutins affairés qui couraient en tout sens.
Lui seul pouvait sortir, s’allonger dans la neige glacée du Pôle Nord et contempler le ballet des étoiles dans le ciel.
Il sourit.
- Tiens, une étoile filante.
Il suivit la course flamboyante de l’étoile d’or, qui déchira soudain l’atmosphère et fonça vers lui à une vitesse extraordinaire.
Il ne souriait plus.
- Ce n’est pas une étoile filante ! C’est une étoile tombante !
La petite étoile d’or percuta la neige à cent pas de lui.
Il s’approcha prudemment du cratère de glace qui s’était formé sous le choc.
L’étoile gisait au fond, inanimée.
- Pas besoin d’être astronome pour comprendre que cette étoile est mal en point.
Elle était d’une pâleur terrible.
Le lutin des papiers-cadeaux descendit lentement dans le cratère, pour vérifier que l’étoile, enfouie sous la neige, n’avait rien de cassé. Lorsqu’il fut sûr qu’elle ne courait aucun danger, il la souleva maladroitement (mais délicatement) et l’emporta avec précaution jusque dans son atelier.
- Vous avez froid, petit astre, dit-il. Et je crains que ma couverture ne soit trop fine pour vous réchauffer.
Il l’installa confortablement sur son lit et chercha du regard ce qu’il pourrait utiliser pour couvrir la petite malade.
- Le papier-cadeau ! Voilà qui pourrait me servir !
Il déroula plusieurs rouleaux de papier-cadeau épais, et en recouvrit consciencieusement la petite étoile, couche après couche, en espérant que sa pâleur livide disparaîtrait rapidement.
L’étoile, ainsi choyée, passa de l’évanouissement au sommeil.
Elle rêva.
Elle rêva qu’un petit homme tout de vert vêtu lui chuchotait des mots apaisants dans un langage inconnu.

Le lutin fut heureux de voir l’étoile d’or s’éveiller le lendemain soir.
Il écarta doucement les papiers-cadeaux qui la couvraient encore et la guida au dehors.
L’étoile d’or émit un son cristallin, un remerciement, et s’envola dans le ciel.
Bien vite, elle retrouva sa place parmi ses sœurs, où elle brilla plus fort que jamais.

Cette année-là, les enfants du monde n’ouvrirent pas leurs cadeaux avec l’empressement habituel.
Ils restèrent un long moment à contempler les reflets du papier-cadeau dans lequel le lutin les avait emballés.
Un papier épais, légèrement doré, aux chatoiements plus nombreux et plus merveilleux que ceux de mille diamants.
Un papier couleur d’étoile…